Peaux Mortes
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Il s’agit d’un
lieu lointain et indéfini. Peut-être une île,
peut-être une langue de terre entre désert et océan. Un lieu déshérité
bien que riche de sa nature et de sa culture, notamment celle des
bains. Des bains aujourd’hui oubliés, mais qui autrefois furent
réputés. Une grande pièce aux murs sombres. La lumière pénètre par une
ouverture haute. Deux bassins occupent le centre de la pièce ainsi que
quelques chaises en fer ou fauteuils en skaï déchiré. Il fait chaud,
l’air est moite, aucun bruit sinon, imperceptible, celui de la mer.
FILLE DE BAIN :
Ce matin, j’ai vu un arbre sans tête.
Il gisait sur le
sol.
A quoi j’ai vu que c’était un arbre s’il n’avait pas
de tête ?
C’était peut-être un homme !
A son oeil.
Il avait un gros oeil rond et
mort.
C’était un arbre quarri de soleil, comme vache morte.
Il avait le
ventre gros.
Gonflé à s’en tendre les branches.
Et sa peau cuirait au
blanc.
Peut-être venait-il du large.
Les courants de nuit poussent au
rivage
Des mutiles d’arbres en jonches de plages.
Il n’est pas bon pour
un arbre
Peaux Mortes
De se mêler de là-bas.
Mais peut-être venait-il d’ici.
Aurait bu de la
mauvaise eau que rigole la terre.
Aujourd’hui, même les lézards s’en
distancent.