Je penche oui.
Je peux à tout moment dégringoler
oui, de tout mon être oui.
Mais je tiens,
sur les crêtes je tiens.
Je suis à la pointe de l’âge,
sur le pic du circonflexe,
tout au sommet.
J’ai pas la vie devant moi voyez
mais tout autour.
Une vue panoramique comme qui dirait.
Il n’y a que peu de place en haut.
À peine on y trébuche qu’on peut casser un col,
à peine on y danse que l’air vient à man- quer,
à peine un écho qu’on part en avalanche.
Et la pointe aiguë où je me cramponne se balance, comme les
ponts suspendus voyez
ou les immeubles hauts.
13
Je tangue dans l’intervalle du micromètre.
Sans amarre et sans histoire.
Je veux dire une histoire à vacarme, à sus- pense, à panpan
quoi.
Non, moi je suis dans une histoire où vous allez vous perdre
si vous aimez les rebonds.
Dans mon histoire
on mange une pomme,
on suit la fissure d’un mur,
et soudain on épluche un poireau.
ha vous êtes montés jusque-là, ça va défiler
par la vitre d’un tout petit train de vie hein...
Voyez à l’heure dite, vous avez sonné.
C’est un son que je ne n’avais pas entendu depuis des neiges.
Il a glacé jusqu’à mes orteils
il a tout enfrissonné.
Vous avez attendu non ?
C’est que j’ai pris d’abord le temps de me réchauffer.
Deuxième sonnerie.
Il a bien fallu que je brave la trompette.
Peut-être vous alliez rebrousser non ?
14