I
CONTE DE NOËL
CETTE FILLE :
Si tu me racontes.
FRERE :
La chair est blanche. Accordée à la neige. Odeur d’agnelle. Du lait.
Elle m’exhorte. Corps à quatre pattes sur robe de soirée. Arrachée.
Neige de Noël. Je réponds à la voix. Derrière les fenêtres, ça tombe.
Je m’avance. Dans mon dos, la porte claque. La chair a le goût.
Lait/Neige. Pas sauvage, pas salé, pas déroutant. Saveur fade et
connue. Rousse à quatre pattes. La plus abandonnée du troupeau. Pas un
champ, une chambre. Une patrie rousse. À quatre pattes. Attend là.
C’est le soir de Noël. Avec la transpiration du champagne. Jointures
des cuisses. Laiteuse comme une engrossée. Mon corps va recouvrir.
Ralenti. À quoi bon se presser ? Elle tremble. De la fièvre. De la
rage. Agnelle galeuse. Des larmes. Sur le champ de bataille où la
rousse à quatre pattes dit : Ne me cognez pas. Ne me fouettez pas. Je
n’aime pas les ceintures. Les ceintures de cuir. Je n’aime que les
armes. Les armes blanches. Je dis : Je n’y pense pas. À être un
assassin. Elle dit : Il va pourtant falloir m’ouvrir. Elle pleure, elle
dit encore : Alors ? Oh vite. Ne perdez pas le temps.
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CHAMBRE DES IMMOBILES
CETTE FILLE :
Elle pleure ?
FRERE :
Ne me cognez pas, ne me baisez pas, ne me caressez pas. Éventrez.
CETTE FILLE :
Si tu me racontes. S’il est pas là. S’il rôde pas. Si je me mens.
FRERE :
De moi-même…
CETTE FILLE :
Elle pleure ?
FRERE :
… avortez-moi.
CETTE FILLE :
Elle est suppliante ?
FRERE :
Répète !
CETTE FILLE :
Avortez-moi de moi-même.
FRERE :
Entre les cuisses, crochet !
CETTE FILLE :
Crochet.
FRERE :
Le sang. Rousse à quatre pattes, bouclée. Agnelle de lait rousse en
sang, entre les cuisses,
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